Contrariée par des brisures et des fêlures, elle se disloque et s’échappe en flaques opaques où la couleur se condense. La lenteur du travail favorise l’évaporation de la couleur, suscitant une saturation qui m’échappe. Quelques fois, canalisée par des barrages sombres comme dans des enfermements, elle se ramasse et se décompose en pigments originels. Entre tension et fragilité s’opère insidieusement un heureux débordement.
Christiane Bricka, Elham Etemadi, Marie-Amélie Germain, Sima Jahangirian, Dan Steffan, Haleh Zahedi
Inlassablement, elle caresse l’intériorité de la couleur. Elle égratigne délicatement les plissements mordorés. Les gestes du dessin raffinent la couleur. Pourtant, en certains lieux de sa peinture se joue comme un drame existentiel (rouges et épines du robinier, contrastes bruyants, collisions). Des verts, que Véronèse envie, s’immiscent dans les raies de lumière. La peinture se dévoile. Ne pas se fier à la beauté qui apparait au premier regard, mais saisir l’épaisseur même de ce que signifie le brio de la couleur, la liquidité du tracé, la rudesse du pigment. La peinture de Christiane Bricka est dans le même temps une quête intérieure de ce qu’est vivre mais aussi un témoignage de ce que la peinture engage ontologiquement. Se questionnant sur elle-même tout en interrogeant l’être qui la produit. Sorte d’aller et retour qui entraine le regardeur dans un infini fécond. Il ne faut plus avoir peur du ressenti, ni de la référence cosmique, ni d’une certaine idée du sacré, il faut simplement accepter cette chose difficile qu’on appelle la liberté.
Germain Roesz, janv. 2021