En dialogue avec les œuvres de Rainer Braxmaier, Armin Göhringer, Jürgen Knubben, Angela M. Flaig, Germain Roesz, Robert Schad, Reinhard Sigle, Sylvie Villaume, proches et amis de l’artiste.
Exposition du 9 octobre au 14 novembre 2021
Angela M. Flaig récolte des graines, des fleurs et des pistils (pissenlit, cèdre, épilobe, chardon, etc.). Le premier geste artistique est de les cueillir, d’être imprégné par leur beauté naturelle, par la légèreté des matériaux. Lorsqu’on voit Angela M. Flaig manipuler ces merveilles se dégagent une grande attention, une sensualité, et surtout l’ouverture d’un monde formel infini. Elle cueille comme on accueille un évènement toujours inattendu. Ensuite, elle assemble ces graines et ces pistils selon des dispositifs élaborés. Elle forme des objets dont on peut dire qu’ils sont d’une immatérialité spirituelle. Je veux dire par là qu’il s’agit d’une matérialité qui n’est caressée que par les yeux.
Elle dispose sa récolte de telle manière qu’apparait une transparence, une épaisseur à l’immobilité qui tremble, notamment dans ce qu’on appelle des coupes, des coupoles inversées. Bien des formes qu’on trouve dans la nature viennent à l’esprit. Des nids par exemple mais qui deviennent ici des écrins pour la légèreté, pour la suspension, un lieu pour la rêverie. Une aspiration de l’air inspiré par l’espace. Ce que l’artiste recueille c’est encore la disposition qu’ont les graines de parcourir (grâce aux vents) d’incroyables distances, et de pousser en des lieux nouveaux et parfois venant des temps anciens. L’artiste dit « grandir et changer, devenir et disparaître sont les intentions de mes objets et les traces de mes dessins ». Elle parle bien de l’intention des objets et des traces qu’elle produit comme si le corps et l’esprit de l’artiste entrait en résonnance avec les graines, fleurs et pistils recueillis. Et véritablement, par la seule observation, nous sentons ces vibrations qui viennent tant de l’objet cueilli que de l’assemblage proposé.
Parfois, un trait plus sombre, dans la légèreté blanche presque laiteuse, scande la profondeur d’une transparence intemporelle.
Une chose aussi est fondamentale. La disposition de chaque élément se fait selon un protocole à dimension conceptuelle. Agencement qui forme un carré, répétition stricte qui grâce aux infimes différences des particules choisies devient vibrante. Certains de ses exégètes (comme Antje Lechleiter) parlent « d’une qualité presque cinétique inhérente au travail réalisé à partir de graines de cèdres ». En l’esprit de ce travail résonne des références à l’arte povera, à l’art minimal, concret et sériel. On ne peut s’empêcher de penser à l’exposition mythique quand les attitudes deviennent formes initiée par Harald Szeemann (Berne 1969) dont cette œuvre poursuit la modernité. La répétition aussi implique de saisir les différences infimes qui existent entre les éléments (qui paraissent identiques). Ces différences, pour qui accepte de regarder longuement, font comme des déflagrations, ouvrent des territoires (de l’art et de la nature) insoupçonnés. Si l’expression toucher des yeux existe elle prend ici tout son sens. Nous captons la fragilité et dans le même temps se fait jour une éternité instantanée. Nous saisissons la légèreté et la tactilité du suspens.
Germain Roesz, sept. 2021